Le HCE publie aujourd’hui le 1er état des lieux du sexisme en France. Il est parfois bon de rappeler les fondamentaux…
Le sexisme est une idéologie qui repose sur 2 piliers :
- La croyance de l’infériorité des femmes par rapport aux hommes
- Un ensemble d’actes allant d’une remarque anodine jusqu’au viol et au meurtre, en passant par des représentations stéréotypées, une sur-occupation de l’espace, l’assignation à des rôles ou à des tâches ou encore par discrimination directe, par exemple pour un emploi ou un salaire.
Il n’est pas une simple attitude discriminatoire mais, au même titre que le racisme, une idéologie de supériorité d’un ensemble d’individus sur un autre.
Il est particulièrement présent dans l’humour et constitue visiblement le ressort principal du rire : au moins un ressort sexiste est mobilisé par plus de la moitié des contenus humoristiques analysés par le HCE. Cet humour ne fait rire que 31% des hommes, et 15% des femmes. Est-ce que c’est si drôle finalement ?
Les injures sexistes : « salope », « pute » et « connasse » sont employés dans 64% des cas et proférés dans 70% des cas par des inconnus, souvent dans la rue ou les transports en commun.
Sheldon Vanauken (1969) est généralement considéré comme « l’inventeur » du mot « sexisme », construit par analogie au mot « racisme », afin d’analyser les rapports de domination entre les sexes : « Tout comme est raciste celui ou celle qui proclame et justifie la suprématie d’une « race » par rapport à l’autre, est sexiste celui ou celle qui proclame et justifie la suprématie d’un sexe par rapport à l’autre. »
Or, le sexisme bénéficie d’une tolérance sociétale qu’il est urgent de combattre, en commençant par le définir convenablement. le Larousse se contentant pour l’heure de « Attitude discriminatoire fondée sur le sexe ».
Voici la définition retenue par le HCE : le sexisme est une idéologie qui repose sur le postulat de l’infériorité des femmes par rapport aux hommes, d’une part, et, d’autre part, est un ensemble de manifestations : gestes, propos, pratiques et comportement, des plus anodins aux plus graves (coups, viols, meurtres…). Ces manifestations ont pour objet de délégitimer, stigmatiser, humilier ou violenter les femmes et ont des effets sur elles (estime de soi, santé psychique et physique et modification des comportements).
Le rôle majeur des stéréotypes de sexe
Ils légitiment les rôles de sexe hiérarchisés en les naturalisant. Ainsi, les stéréotypes de sexe sont des agents de la hiérarchie entre les femmes et les hommes, qui OUTILLENT les discriminations, et servent à légitimer, à postériori, les inégalités. Contrairement à ce qui est souvent énoncé, les stéréotypes de sexe ne sont pas la source des inégalités entre les femmes et les hommes. Ainsi les stéréotypes servent le sexisme : il n’y aurait pas de stéréotypes de sexe sans sexisme. Ils sont les chevilles ouvrières d’un système inégalitaire, de domination des hommes sur les femmes qui mènent aux inégalités que nous connaissons.
Ces préjugés et ces stéréotypes sont ancrés dans l’inconscient collectif, conditionnent nos représentations et nos comportements, dès le plus jeune âge. Personne n’est à l’abri de faire une remarque déplacée, d’avoir un sourire condescendant ou un geste qui exclut l’autre : c’est pour cela qu’il faut en comprendre les ressorts et le fonctionnement pour le faire reculer. N’importe qui peut être sexiste sans le vouloir, et tout le monde peut analyser son comportement et le faire évoluer. Même les humoristes.
Certains hommes revendiquent être victimes de sexisme. Ils peuvent en effet faire l’objet de discrimination ou de rejet en fonction de leur sexe, mais leur situation n’est pas fondée sur une idéologie notoire d’infériorité des hommes sur les femmes. C’est avant tout quand ils ne se conforment pas aux normes et rôles de sexe qui leur sont assignés (pratique d’une activité « féminine », métiers du care…).
Par ailleurs, du fait que le sexisme repose sur un système intériorisé de normes, de valeurs et de rôles qui hiérarchisent les individus et les enferment dans des identités contraintes et contraignantes, certaines femmes peuvent avoir des comportements, des paroles et des gestes sexistes et porter des jugements très violents à l’égard d’autres femmes. Chacune et chacun est imprégné de ce système et cherche bien souvent à donner à ses actes l’apparence d’un choix libre, conscient et assumé.
Au sujet de la galanterie, chantre de la « culture française » : héritage de l’amour courtois médiéval, porté au rang d’art de vivre. Sauf que… La galanterie repose sur l’asymétrie des sexes et est une contrepartie du système patriarcal qui vise à maintenir les femmes dans leur état d’asservissement. Dans les actes galants, les hommes se placent dans une position active, symboliquement virile et donc dominante, quand les femmes se retrouve assignées au rôle de spectatrice passive. L’un est en position de protéger, l’autre d’être protégé. L’un est fort et l’autre faible. La galanterie relève d’une forme de sexisme particulièrement efficace pour maintenir les rapports de domination, et qui, selon l’historienne Michelle Perrot, revient à « dissimuler l’inégalité sous les fleurs ».
Pour aller plus loin, vous pouvez consulter l’excellente publication du HCE ici.
Car tout ceci a des conséquences, très nombreuses, qui peuvent paraitre anodines ou aller jusqu’au meurtre. Rien n’est anodin.